samedi 30 mars | 10h00 Cinéma & Débats
entrée libre
À l’occasion de l’inauguration de l’exposition Agir dans son lieu, présentée par la Galerie du Dourven à la Coopérative du port de Locquémeau du 30 mars au 30 juin 2024, une table ronde inaugurale réunit sept artistes et la commissaire artistique Julie Crenn pour une discussion collective.
Depuis 2016, Agir dans son lieu est un projet au long cours. Un cycle de recherches, de résidences et d’expositions dédié aux liens qui existent entre les artistes et les paysan.nes.
Après la Galerie Duchamp à Yvetot en Normandie (2017), Les ateliers des Arques dans le Lot (2018), le Transpalette à Bourges (2021), Agir dans son lieu s’installe pour la première fois en Bretagne en 2024, à la Galerie du Dourven – La Coopérative à Locquémeau. L’exposition propose une réflexion à voix multiples et situées à partir des mondes paysans.
« Agis dans ton lieu, pense avec le monde » a proclamé Édouard Glissant. Le titre de l’exposition invite à penser nos lieux, penser le local pour analyser d’autres échelles. En ce sens, deux artistes ont réalisé une résidence à Trédrez-Locquémeau. Nicolas Tubéry réalise des installations (film et sculpture) à travers lesquelles il nous donne à voir et à ressentir le quotidien des paysan.nes qu’il rencontre. A la cidrerie de Lianver, il passe du temps avec Audrey qui reprend la ferme de Gilbert, son père. L’artiste filme leurs gestes, les cuves et une pompe (Mec 65 Smeraldo). La sculpture filmique nous immerge ainsi dans un quotidien de travail. Les photographies sculpturales de Morgane Denzler manifestent les relations sensibles entre les éleveur.ses, les brebis et le lieu qu’ielles habitent. A Trédrez, elle rencontre Julien et son troupeau de brebis. Les discussions nourrissent autant de préoccupations partagées que la nécessité de transmission de savoirs. L’artiste propose un ensemble d’œuvres qui manifeste l’interdépendance des corps (celui de l’éleveur, du troupeau et du terrain cultivé), des milieux (la terre et la mer). D’autres artistes sont invité.es à présenter leurs œuvres : Julie Vacher fabrique une fable interespèce entre un oiseau (une bernache mécanique) et une algue (Ulva Armoricana). Dans la baie de la Fresnaye, elle a ainsi filmé au drone le littoral recouvert par la terrible marée verte. Dans la ferme familiale près de Plancoët, Damien Rouxel et les membres de sa famille performent le genre, l’histoire de l’art et le sacrifice des paysan.es. Aurélie Olivier, poétesse, autrice et éditrice, nous livre oralement son Corps de Ferme, un « texte terroir tout terrain » et intime à travers lequel elle hybride poétiquement les questions agroalimentaires, la famille et l’élevage. Toujours en Bretagne, du côté de Brest, Pascal Rivet sculpte et peint les éléments d’un imaginaire paysan : le cheptel et le bâtiment agricole. Si l’ancrage breton est particulièrement présent au sein de l’exposition, d’autres perspectives s’y connectent : à La Réunion, Kako et Stéphane Kenkle travaillent la terre pour cultiver des fruits et des légumes. Depuis quelques années, entre d’immenses champs de canne, ils travaillent à Kour Madame Henry dans le sud de l’île. Artgriculteurs, Kako et Stéphane Kenklé pensent une autonomie alimentaire par la culture et le futur lointain d’une forêt primaire par la plantation.
Individuellement ou collectivement, huit artistes pensent les réalités plurielles du monde paysan à partir de leurs expériences, de leurs corps et de leurs histoires respectives. Un mouvement s’opère entre l’art et l’agriculture, et inversement. Il s’agit alors de fabriquer et de proposer une conversation entre deux territoires pensés séparés, et qui portent pourtant des points communs et essentiels. Une conversation nourrie de choix (philosophiques, plastiques, économiques, politiques) qui nous invite à (re)penser les interdépendances, les invisibilisations, les absurdités, les violences, les nécessités. Des choix, les leurs et les nôtres, qui ont des conséquences directes sur le vivant dans son ensemble.
Julie Crenn